Gestalt-thérapie :
L’expérience du contact, ici et maintenant
La Gestalt-thérapie, souvent appelée simplement Gestalt, est une approche thérapeutique qui mobilise la dynamique relationnelle. Cette « thérapie du contact » cherche à induire du mouvement lorsque la forme est figée ou répétitive. En effet, le verbe allemand « gestalten » signifie « mettre en forme, donner une structure ».
S’inscrivant dans le courant de la psychologie humaniste, existentielle et relationnelle, la Gestalt-thérapie vise à développer l’autonomie, la responsabilité et la créativité. Elle ne se limite pas à une vision individualiste de l’humain, mais s’intéresse aux interactions de l’individu avec ses environnements, qu’ils soient personnels, professionnels ou sociaux.
Les origines
La Gestalt-thérapie fut créée au milieu du siècle dernier par Fritz Perls, psychiatre et psychanalyste, et son épouse Laura Perls, docteur en psychologie, qui émigrent depuis l’Allemagne vers l’Afrique du Sud où ils écrivent leur premier ouvrage « Le moi, la faim, l’agressivité » en 1942. Cette approche prend véritablement forme à leur arrivée aux Etats-Unis où l’ouvrage fondateur, intitulé « Gestalt-thérapie, nouveauté, excitation et développement », est publié en 1951. Le premier institut de Gestalt-thérapie est fondé en 1952 à New York. Depuis, elle s’est développée aux États-Unis au sein du courant de psychologie humaniste existentielle. Elle trouve bon accueil en Europe dans les années 1970, grâce à ses affinités avec les thérapies psycho-corporelles et émotionnelles qui remettent en cause le divan analytique.
L’instant présent contient tout
La Gestalt-thérapie met l’accent sur la conscience de ce qui se passe dans l’instant présent aux niveaux corporel, affectif et mental. Ce vécu du présent contient tout : les expériences du passé, les fantasmes, les situations inachevées, les anticipations, les peurs, les projets. Le processus thérapeutique « gestaltique » permet de développer la conscience de la manière dont l’expérience du présent est déformée : enfermement dans des répétitions, interdiction d’accès aux « ajustements créateurs » avec l’environnement, etc. Cette conscience permet de vivre de nouvelles expériences à partir d’une connaissance et d’une capacité de choix retrouvés.
Par sa présence, le thérapeute soutient et éveille la sensibilité au déroulement de l’expérience. Il attire l’attention sur ce qui se passe et facilite ainsi la prise de conscience. À cette fin, il s’implique dans la relation et dévoile éventuellement son vécu au service de la situation. Ainsi le patient n’est pas seul avec sa problématique. La nouveauté générée par cette co-vision et cette co-construction est transformatrice.
Une visée existentielle
Le Gestalt-thérapeute se garde d’avoir un projet pour celui qui consulte. Il lui offre une occasion de transformation qui intègre toutes les dimensions de la personne : physique, affective, cognitive, sociale et spirituelle. La Gestalt réhabilite le ressenti corporel et émotionnel, souvent censuré dans la culture occidentale.
Son originalité n’est pas seulement dans l’efficacité mais vise une recherche de réalisation globale : augmenter la souplesse d’ajustement, restaurer la liberté de choix, permettre l’intégration des polarités en conflit, développer la conscience de l’instant dans un processus d’équilibre dynamique.
Si l’angoisse inhérente à la condition humaine prend des formes pathologiques qui amènent le consultant en thérapie, le processus thérapeutique proposé permet souvent la transformation de ces symptômes.
S’ajuster, s’orienter, découvrir et donner du sens à sa vie placent la Gestalt-thérapie dans une visée existentielle.
« Comment » plutôt que « pourquoi »
À la différence d’autres approches qui tentent d’expliquer le psychisme en termes statiques, la Gestalt-thérapie se situe dans une optique dynamique. Elle s’intéresse au mouvement, à l’ajustement continu entre un individu et son environnement. Face aux modifications permanentes de l’environnement, l’ajustement créateur est forcément à renouveler sans cesse. Ainsi, le Gestalt-thérapeute se centre sur le processus, plus que sur le contenu, c’est-à-dire le « comment » plutôt que le « pourquoi ».
Certaines formes de thérapie sont centrées sur le pourquoi et recherchent l’origine du traumatisme. Ce sont des « thérapies de l’amont » qui, cernant la cause, se donnent pour objectif d’éliminer les conséquences futures. Les conséquences passées étant par nature non éliminables. La Gestalt-thérapie fait partie du courant des « thérapies de l’aval » : en laissant de côté les origines de nos blocages, ces thérapies cherchent à libérer le comportement, à « déboucher la rivière » et « nettoyer les berges », pour lui permettre de couler plus librement.
Cette focalisation sur le processus se retrouve dans le vocabulaire gestaltiste : la frontière-contact, le rapport figure/fond, les fluctuations et interruptions du contact, l’ajustement créateur, les Gestalts fixées ou inachevées…
Et concrètement ?
La Gestalt-thérapie se pratique le plus souvent en cabinet privé. Les Gestalt-thérapeutes reçoivent une grande variété de demandes : enfants, adolescents, adultes, couples et familles. Elle se pratique également en groupe : soit en stage ponctuel avec ou sans thème, soit en groupe continu à une fréquence périodique.
Les situations de groupe se prêtent à diverses expérimentations verbales et non verbales, utilisant la parole, la mise en action, l’émotion, le rêve, l’imaginaire, la créativité, le mouvement et le corps. La situation individuelle requiert plus de sobriété, respectant le pas à pas du processus. Le point commun est l’attention aux manifestations corporelles et émotionnelles dans une perspective unificatrice du corps et de l’esprit.
La Gestalt s’associe volontiers à différentes techniques de développement personnel : clown, danse, arts plastiques, musique, théâtre, voix, etc. Cette pratique thérapeutique dispose ainsi d’une large « boîte à outils ». Différentes techniques marquent son image, dont le célèbre exercice dit de la «chaise vide» qui vise, par une discussion fictive avec un autre individu (que l’on imagine sur la chaise vide), à résoudre des problématiques ou des conflits non résolus et à exprimer ses émotions vis-à-vis de cette personne visualisée avec laquelle cette situation a été vécue.
La Gestalt-thérapie est donc à la fois une théorie psychologique et biologique avec des outils rigoureux d’analyse et une psychothérapie, à savoir, une démarche permettant, dans un cadre donné, d’explorer et surmonter des difficultés existentielles.
De nos jours, la Gestalt trouve également de multiples applications dans le cadre du coaching, du conseil en entreprise, de l’éducation et de la formation. Enfin, les Gestalt-thérapeutes sont de plus en plus demandés et appréciés pour l’accompagnement d’équipes dans le secteur médico-social.
De Olivier Desurmont
RÉFÉRENCES
• Manuel de Gestalt-thérapie de F. Perls chez ESF
• La Gestalt, thérapie du mouvement de F. Vanoye chez L’Harmattan
• Gestalt-thérapie, une esthétique de l’existence de E. Caldera et F. Vanoye chez Armand Colin
• gestalt-therapie.org