Art-thérapie, quand la créativité soigne…
L’art-thérapie est une méthode de soin qui consiste à créer un cadre et des conditions favorables au dépassement de difficultés personnelles par le biais d’une stimulation des capacités créatrices.
L’art-thérapie se distingue des autres thérapies en ce sens qu’elle est un processus «tripartite» entre le patient, le thérapeute et l’image ou l’objet produit. En outre, il n’est pas nécessaire d’avoir de l’expérience ou des compétences artistiques particulières pour faire appel à un art-thérapeute. Ce dernier ne fait pas d’évaluation esthétique ou de «diagnostic de l’œuvre» du patient. L’objectif est plutôt de permettre à ce dernier d’effectuer des changements en lui-même et de vivre une croissance personnelle grâce à l’utilisation de divers matériaux dans un environnement sécurisé et porteur.
Origines
Il faudra attendre le début du XX ème siècle pour que les psychiatres s’intéressent aux «productions» des personnes internées dans les hôpitaux psychiatriques, qu’ils nomment alors «art psychopathologique». Parmi les premiers à s’intéresser à l’expression de la pathologie mentale à travers l’art, on peut citer Marcel Reja [1873-1957] qui publie en 1901 «L’art malade : dessins de fous» et en 1907 «L’art des fous».
Au cours du XX ème siècle, l’ergothérapie se développe dans les institutions de soins. Elle cherche à rééduquer, réhabiliter, restaurer des capacités physiques par l’activité, le travail. C’est principalement à partir de cette démarche que se développeront les premiers ateliers dits «d’expression libre » où la création artistique est utilisée à des fins thérapeutiques.
Souplesse & applications
De nos jours, les art-thérapeutes possèdent une bonne compréhension des divers processus artistiques, couplée à une connaissance de la pratique thérapeutique. Ils peuvent donc facilement adapter le cadre thérapeutique : travailler avec des individus ou des groupes, en séances thématiques ou non, en ateliers de quelques heures ou en stages de plusieurs jours, etc… Grâce à cette souplesse, les applications sont très diversifiées : santé mentale, troubles d’apprentissage, soins palliatifs, travail spécifique dans les prisons, etc…
Le cadre est très important. Pour les ateliers de groupe, par exemple, il est fréquent qu’ils se déroulent le même jour chaque semaine, aux mêmes horaires et dans le même local, afin de «rassurer» les participants. Le groupe joue alors un rôle structurant dans le cadre thérapeutique.
Différents médias
L’art-thérapie se distingue également des autres thérapies par la variété des supports qu’elle peut proposer aux patients. Bien que la plupart des art-thérapeutes se spécialisent dans quelques procédés artistiques spécifiques, citons :
– la peinture qui est, de loin, la plus utilisée en art-thérapie ;
– l’argile, utilisée pour ses propriétés sensorielles et pour sa capacité à faciliter l’expression des aspects archaïques de la psyché ;
– la pâte à modeler, très intéressante pour sa grande malléabilité ;
– le collage ;
– le dessin ;
– la photographie et le photolangage ; – l’écriture ;
ou encore : les marionnettes, la vidéo, la danse, l’utilisation du tissu, le théâtre, le clown, les masques, la musique, etc…
La connaissance des spécificités de chaque activité artistique permet aux artthérapeutes d’adapter au mieux chaque forme proposée. Le choix de la technique artistique se fait donc très souvent par le thérapeute lui-même en fonction de la sensibilité et des besoins du patient.
Déroulement d’un atelier
Plus concrètement, un atelier d’art-thérapie de groupe se déroule généralement de la manière suivante :
– temps d’accueil : il s’agit du temps durant lequel les participants arrivent et prennent place dans l’atelier. L’art-thérapeute accueille ces derniers par quelques mots ou un discours de bienvenue, rappelant les objectifs et/ou les règles de l’atelier ;
– temps d’explication : il s’agit du temps où la consigne est communiquée, que celle-ci soit libre ou qu’il y ait certaines contraintes. L’art-thérapeute peut également présenter les outils ou les matériaux que les participants auront à utiliser ;
– temps de production : il s’agit de la phase durant laquelle les participants expérimentent la création artistique, le temps d’expression elle-même [parfois clôturée par une phase de rangement/nettoyage…] ;
– temps d’échange : il s’agit du moment où chacun est invité à s’exprimer sur ce qu’il a créé durant la phase de production et/ ou ce qu’il a vécu et comment il a vécu la séance. Les différents participants peuvent être invités à s’exprimer également sur les productions des uns et des autres, permettant de faire émerger un sens, partagé ou non, face aux productions-miroirs de chacun. L’art-thérapeute aide les participants à s’exprimer mais n’interprète pas les productions. Ce temps d’échange permet simplement à des associations d’idées d’émerger et de favoriser la symbolisation. Idéalement, l’art-thérapeute veillera à ce qu’il n’y ait pas de jugement…
Les aspects «transferts» et «contre-tranferts » présents dans l’atelier, entre les participants, l’art-thérapeute et les oeuvres produites, pourront également être pris en compte.
L’art-thérapeute accompagne ainsi chaque patient dans un cheminement artistique unique et adapté à ses besoins. Le processus créatif, couplé à un sentiment grandissant de confiance en soi, permet au patient de développer une meilleure expression et de reconnecter avec la joie d’une activité créative dont l’objectif dépasse la simple dimension esthétique.
Un chemin vers soi
L’avantage principal de l’art-thérapie est donc de permettre l’expression de pensées et de sentiments tant par l’image que par les mots. À cet égard, il s’agit d’une forme de communication plus accessible pour des individus qui ont des difficultés à parler tels que les petits enfants, les personnes malades ou lors d’échanges entre des personnes issues de cultures différentes et incapables de communiquer efficacement par la parole. L’expression créative peut aussi être très utile lorsque l’individu a tendance à «être trop dans sa tête», à rationaliser ou lorsqu’il se trouve dans une impasse en thérapie verbale.
À travers la pratique artistique, l’art-thérapie renforce donc la créativité. Et c’est essentiel puisque le processus créatif lui-même est crucial pour parvenir à un changement positif, qu’il s’agisse de prise de conscience, de guérison, de résolution de problèmes ou de croissance personnelle.
Références : «Le grand livre de l’art-thérapie» d’Angela Evers chez Eyrolles, «L’art-thérapie» de Jean-Pierre Klein aux PUF et «Art-thérapie – Outil de guérison et d’évolution» d’Alexandra Duchastel chez Dangles
Les Arts-Thérapies
Le «bel exercice» d’un métier, quel qu’il soit, est une forme d’art. Cela vaut également pour l’exercice de la psychothérapie. Dans ce sens-là, toute psychothérapie est une «arts-thérapie», et tout praticien de la psychothérapie est un artisan voire un artiste du Champs Psy.
L’art qu’exerce tout psychothérapeute est inclus dans le nom même de son art, la «psycho-thérapie» : il «soigne» (thérapie) «l’âme» (psyché) de ceux qui le consultent. C’est donc un «soigneur d’âme», le «psy», et pas un «guérisseur d’esprits perturbés» – ce que serait plutôt cet autre artisan du Champs Psy que l’on nomme psychiatre.
L’âme serait la partie la plus profonde ou la partie la plus élevée de tout être, ce qu’il «est» vraiment, ce que chacun nomme «moi», mais que d’aucuns nomment «ça» ou encore «soi». Peu importe le nom qu’on lui donne : elle semble largement insaisissable lorsqu’on l’aborde de manière rationnelle.
Toutes les formes des «beaux arts», mais également tous les «arts mineurs» ou encore «artisanats», ainsi que les arts peut-être «moins beaux» mais infiniment utiles au fonctionnement et au bien-être collectif autant qu’individuel (la comptabilité, l’ingénierie, la juridiction, etc.), sont autant d’expressions extrêmement complexes de l’âme.
Ainsi donc l’art et l’âme ont partie liée : l’âme s’exprime de manière privilégiée à travers l’art. D’où la grande utilité de l’emploi de l’art – quel qu’il soit, pourvu qu’il inclue une pensée, une esthétique et un «tour de main» – dans l’exercice des «soins de l’âme», soit de la psychothérapie.
Habituellement, les «arts-thérapies» font rimer «beaux arts» et «psychothérapie». Il y a la musicothérapie, par exemple. Et l’on pourrait ainsi parler de «peinture-thérapie» ou encore de «sculpture-thérapie», soit d’autant de «mises en forme» des besoins et désirs complexes de l’âme qu’elle cherche à faire connaître et reconnaître en vue de leur accomplissement.
Il convient que l’artisan ou l’artiste-psychothérapeute ait une connaissance suffisante du media artistique qu’il compte utiliser, sans pour autant qu’il soit un musicien, un sculpteur ou un peintre accompli. En revanche, il importe qu’il soit un psychothérapeute dûment formé dans une des nombreuses méthodes psycho-thérapeutiques disponibles.
Et il est évident qu’un psychothérapeute de bonne facture, toutes tendances confondues (psychanalyse, gestalt, AT, bioénergie, psychologie clinique, comportementalisme, etc.) qui emploie la peinture, la sculpture, la musique, ou encore un cheval (l’hyppothérapie), mais aussi la mancie (les cartes, les runes etc.) ou tout autre support (fut-ce un déguisement de clown, un bac à sable ou un jeu de l’oie), pour se permettre une communication d’âme à âme avec son patient, en vue de le soulager de ses peines, soit de lui «soigner l’âme», est un arts-psychothérapeute…
…n’en déplaise !
Par Olivier Desurmont